Julius Evola: la thèse de Jean-Paul Lippi
"L'Age d'Homme" publie Julius Evola, métaphysicien et penseur politique. Essai d' analyse structurale de Jean-Paul Lippi. Celui-ci souligne d'emblée la singularité de la pensée d'Evola en écrivant en introduction: « Le discours évolien se situe en effet au point de convergence, nécessairement problématique, de l'appel nietzschéen au “renversement de toutes les valeurs” et de la volonté guénonienne d'exposition d'une vérité supra-mondaine. Singulier rapprochement, peut-être intenable, car il apparaît pour le moins malaisé de concilier deux pensées aussi irréductibles, qui se déploient à partir de postulats radicalement divergents. La nécessité d'un dépassement du nihilisme occidental, prônée par le visionnaire de Sils-Maria, ne s'enracine dans aucune conception Traditionnelle du monde, alors que l'exposé guénonien demeure parfaitement étranger aux thématiques croisées de l'Eternel Retour et du Surhumain. Mais c'est cette dualité qui confère au discours de l'auteur de Révolte contre le monde moderne sa tonalité si particulière et en explique l'influence sur plusieurs générations d'intellectuels et de militants politiques. Sans Guénon, Evola aurait pu n'être qu'une manière de Rebatet italien; sans Nietzsche, il n'aurait à coup sûr été qu'un penseur de la Tradition parmi d'autres, sans doute inférieur pour la rigueur des analyses à un Frithjof Schuon, un Titus Burkhardt ou un Ananda K. Coomaraswamy. Pour cette raison, et sans méconnaître pour autant le rôle qu'ont pu jouer dans la formation intellectuelle du jeune Evola d'autres auteurs que lui-même cite, il nous parait infondé de dissocier, et plus encore de hiérarchiser, les importances respectives des deux écrivains, l'Allemand et le Français. Nous ne pouvons donc pas suivre Pierre-André Taguieff lorsque celui-ci affirme: "De façon générale, on ne peut que tomber d'accord avec l'hypothèse de Piero Di Vona, selon laquelle l'influence de René Guénon sur la formation de la pensée d'Evola a été plus importante que celle d'un Nietzsche ou d'un Spengler". Plus proche de la réalité nous semble être l'analyse de Christophe Boutin, pour qui: "L'influence de Frédéric Nietzsche court donc sous l'analyse évolienne". Si l'on juge l'arbre à ses fruits et si l'on essaie de déterminer l'influence de la pensée évolienne en France, on s'apercevra que son influence, contrairement à l'œuvre de Guénon, est quasiment insignifiante sur ceux qui se sont engagés dans une voie spirituelle. L'influence évolienne s'est donc exercée essentiellement sur quelques esprits libres dans le domaine culturel et politique. Force est de constater que cette influence n'a jamais dépassé , contrairement à l'Italie, le stade la réflexion intellectuelle ou esthétisante ».
Jean de BUSSAC.
Jean-Paul LIPPI, Julius Evola, métaphysicien et penseur politique. Essai d'analyse structurale, 1998, L'Age d'Homme (5 rue Férou, F-75.005 Paris), 312 pages.